Ce que Tinder dit de nous : immersion en applis de rencontres

Ce que Tinder dit de nous : immersion en applis de rencontres

Pour la revue Medium, la journaliste Clara Schmelck s’est cree des comptes sur quatre applis : Badoo, Meetic, Adopte un mec et Tinder. Son week-end est a la fois sociologique et philosophique. Il evoque l’heure actuelle.

Par Clara-Doina Schmelck

Le principe de la rencontre artificielle n’a rien de nouveau. L’entremetteuse, intermediaire dans les intrigues amoureuses ou chargee d’arranger une aventure, fera part du repertoire d’la satire ainsi que la comedie depuis l’Antiquite.

Pendant un moment, les pages de petites annonces des journaux ont rempli ce role. Des le debut des annees 2000, l’arrivee d’Internet et des premiers services de messagerie electronique (type MSN) a popularise votre qu’on a commence a appeler le « speed dating », a savoir la pratique du rendez-vous arrange et precipite, ou encore des « supermarches de l’amour ».

26 millions de « matchs » par an

C’est depuis trois annees a peine que la technologie du mobile a permis a l’offre de rencontres Sur les forums de se diversifier et de toucher de nouveaux publics. Tinder, lance a Los Angeles en octobre 2012, revendiquait, en avril 2015, 1,6 milliard de profils et 26 millions de « matchs » (« rencontres » quotidiennes).

Le succes de ces nouvelles applications de dating repose via quatre nouveautes technologiques : la toute premiere reste l’adaptation au format de lecture Plusieurs smartphones, qui permet de se balader avec l’application partout avec soi et ce, y compris en lieux les plus perso.

Notre deuxieme est la technologie d’une geolocalisation qui fait de l’application un outil de proximite. Il est desormais possible d’aller rejoindre votre mari au sein d’ un laps de temps tres court.

J’ai troisieme fitness singles reste la performance accrue Plusieurs algorithmes de recommandation qui peuvent permettre d’affiner nos choix de personnes a trouver.

Quant a la quatrieme innovation, peut-etre ma plus decisive, elle consiste dans la reticulation des sites de rencontre avec les reseaux sociaux generalistes au moyen des « widgets » (boutons de partage Afin de transferer ses contenus dans Facebook, Snapchat, Instagram, etc.) : d’une simple pression, ca permet de desenclaver les applications de rencontres, on voit peu de temps libre encore confinees dans les ruelles mal eclairees du Web.

Tinder-Facebook, frontiere humide

Ce qui a donc totalement change a la faveur du virage numerique et plus precisement de l’essor d’une technologie du mobile, c’est, d’une part, le fait que le website de rencontres sur Internet ne soit plus vecu comme votre espace virtuel mais tel 1 lieu dont le vrai va i?tre le continuum extensif et, d’autre part, que J’ai plateforme de rencontres soit devenue un reseau social a part entiere.

Entre Tinder et Facebook, la frontiere reste humide. Si Facebook n’est pas une plateforme dediee aux ebats, son fonctionnement n’obeit pas moins a un principe de seduction : pour augmenter son nombre de contacts a des fins socio-professionnelles, on s’enjolive de selfies, on se survalorise moyennant une mise en scene de soi.

Le motif sexuel, qui faconne le modele de centaines de sites de rencontres sur le Net, repond quant a lui avec efficacite a des motivations pleinement sociales et qui correspondent a autant de facons de vivre l’espace commun : palier une position de relegation lorsqu’on s’ennuie en peripherie des grands centres de decision, fonder rapidement votre foyer en kit dans un pavillon de banlieue avec crainte du lendemain, ou encore poursuivre une quete irrefrenee de seduction afin d’assoir sa reputation de citadin branche.

Les sites de rencontres, des reseaux sociaux

J’me suis donc livree a une enquete, en candide, sous divers avatars feminins. Pendant une semaine, je me suis immergee dans les applications de dating et afin d’effectuer bonne mesure, j’ai choisi quatre offres bien representatives des differentes tendances du marche :

  • Badoo,
  • Meetic,
  • Adopte un mec
  • et Tinder.

Le lieu, l’heure et les protagonistes de l’acte sexuel seront fixes par une serie de astuces definies en fonction de criteres geographiques, culturels, generationnels. Et, comme dans « Notre Cite du soleil » de Campanella, utopie ecrite en 1643, nous trouvons une soumission totale d’la chose sexuelle a l’ordre social.

« Salut, c’est Kelly, 19 annees. »

Badoo, c’est vraiment le Carrefour du plan cul (ecrit naturellement « plan Q »). L’ergonomie facile du website rappelle d’ailleurs la physionomie d’une grande surface.

« T’es bonne, BB »

Dans 1 lotissement accroupi entre deux rocades d’autoroute, des parents de 22 ans trompent leur conjoint concernant convenir sur internet d’un coit anonyme, assimilable a en prostitution mutuelle effectuee sans mode de paiement. Ici, Eros virtuel est un cupidon de barriere. Mes smileys jaunis se succedent a toutes les onomatopees.

« T’es bonne, BB. »

Aucune phrase Sans compter que de six mots. Avec Badoo, je positive.

« Je m’appelle Catherine et j’ai 47 ans sur Meetic, 63 dans la vraie vie. Viens passer 1 week-end avec moi, la ville reste desservie via un Corail intercite. »

Le celebre site rose-neon ravive nos romances « vues a le pc », les « Alerte a Malibu » d’il y a deux decennies (Catherine, en annees disco…). Sur Meetic, on parle de « performances sexuelles », de sport et d’argent. L’optique reste retrouver les qualites empruntees d’une potiche (« Tu es patiente ? Tu sais faire la cuisine ? » etc.) : des qualites dispersees dans une etendue de chair.

Avec le logo d’un bonhomme au sein d’ un caddie, Adopte un mec, site concu pour des femmes et resolument « rentre-dedans », fera flasher les meufs sans complexe, qui croient y voir une marque d’emancipation. En fera un « rentre-dedans » assez grossier (« Tu fais de l’equitation ? Parce que ca muscle… ») mais ayant besoin d’ desesperement le « cosy corner ». Les garcons autant que des meufs.